Cette série met en évidence des lieux de mémoire autour de Verdun avec des villages « Morts pour la France », ces villages totalement rasés par les pilonnages d’obus en 1916.
Dans le cadre d’un projet artistique pour une exposition d’art textile (« Du Rouge Garance au Bleu Horizon ») qui a été présentée au printemps 2018 (voir le site d’Entre les Fils), je suis allé faire des photos, pendant 3 jours au mois d’octobre 2016, de ces villages disparus.
Catherine Redolfi, mon amie brodeuse avec qui j’ai travaillé sur ce projet, m’avait accompagné et le choix des prises de vues a ainsi été réalisé in situ à deux voix.

Le corpus d’images qui en a résulté étant suffisamment large j’ai pu extraire quelques clichés afin de présenter ma vision personnelle de ces lieux. Ce qu’il en restait 100 ans après, ce que le devoir de mémoire et le besoin de commémorations en avaient fait, et comment ces lieux avaient, en quelque sorte, dû s'adapter pour survivre et renaître.
En effet pour moi, loin du tourisme morbide ou macabre qu’ils peuvent générer, bien qu’il ne faille pas nier ce phénomène sur les zones mémorielles comme celles des grandes batailles, ces lieux autour de Verdun sont actuellement bien vivants.
Mes photos, bien que n’y figurent aucun être humain, montrent le plus souvent des lieux visités avec des traces au sol par exemple, mais avant tout des lieux organisés pour la visite : chemins tracés, murets savamment reconstruits-détruits, trous d’obus conservés, arbres entretenus. Seuls de rares endroits, moins touristiques peut-être, semblent revenus à une vie plus « sauvage ».

La majorité de ces photos ne faisait pas partie de l’expo « Du Rouge Garance au Bleu Horizon ».
Ces photos sont la première impression que les lieux visités m’ont procuré, et je tenais à ne rien modifier à ce ressenti. La palette de couleurs volontairement étroite est telle que j’ai appréhendé les premiers endroits visités. La série a été ensuite articulée autour de cette palette limitée afin d’en assurer la cohérence visuelle.
Cette série ne dresse pas un panorama, ne fait pas un inventaire, ni ne présente tous les villages « Morts pour la France » du Verdunois, elle est un reflet de mon état d’esprit lorsque j'ai fait ces photos.
L’histoire de cette série

Notre séjour nous réservera quelques surprises heureuses, quelques déconvenues aussi. Nous l’avions préparé afin de perdre le moins de temps possible. Nous avions contacté quelques responsables de ces villages fantômes afin qu’ils nous apportent leurs connaissances historiques, nous leur avions présenté notre projet artistique. Leur apport a été primordial et nous a permis, Catherine et moi-même, de mieux comprendre les événements tragiques qui se sont déroulés dans cette région en 1916.
Seule la mairie de Verdun, sollicitée avant ces prises de vues, avant, pendant et après l’exposition, n’a jamais daigné répondre à nos messages.

Nous nous trouvions donc sur ces lieux 100 ans après, mais notre but n'était pas de commémorer, plutôt de tenter de faire le lien entre cette immense boucherie à ciel ouvert et ce que chacun d’entre nous, artistes ou binômes d’artistes que nous avions sollicités, pouvait avoir gardé en mémoire de manière individuelle ou de par son histoire familiale. En cela, « Du Rouge Garance au Bleu Horizon » a parfaitement fonctionné.
J’avais suffisamment de photos en stock pour, à mon tour, réaliser une série personnelle, éloignée dans le temps par rapport à l’exposition que nous avions faite, et sans lien direct avec elle.
Il m’a fallu du temps pour qu’elle mûrisse, qu’elle prenne sa place dans mon emploi du temps, que j’y revienne pendant plusieurs mois, pour enfin préparer cette sélection de photos.

Le titre « MÉMOIRE(S) » accompagné du sous-titre « mémoires mortes, mémoire vivante » reflète bien ce que je souhaite montrer. Des traces de lieux rasés, à jamais disparus, mais toujours présents, visités, voire célébrés et, de ce fait, toujours vivants..
Nous avons également fait quelques détours vers certains sites emblématiques qui ne figuraient pas dans notre programme, Catherine désirant s’y arrêter. Ainsi, nous visiterons la célèbre tranchée des baïonnettes, le cimetière de Douaumont, puis sur la route du retour, la butte de Vauquois.
Nous n’en ressortirons pas indemnes, c’est le moins que l’on puisse dire.
La barbarie humaine n’a pas de limites, surtout pas celle des fils de fer barbelés. Heureusement que ce conflit devait être le dernier…

Aucune des photos prises sur ces quelques sites annexes (dans notre périple) ne pouvait prendre place dans « Du Rouge Garance au Bleu Horizon », mais j’en ai retenu quelques-unes pour cette série « MÉMOIRE(S) ». Elles restaient cohérentes avec le reste de la série, bien qu’un peu hors ambiance générale.
Dans un livret au format PDF, j'explique la genèse de "MÉMOIRE(S)",
et ce qui m'a conduit à réaliser ce travail.

Il contient les 37 photos de la série.

Ce PDF est gratuit
Et pour finir "en beauté" ou au moins en poésie je vous propose "Familiales" de Jacques Prévert
La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu'est-ce qu'il fait le père ?
Il fait des affaires
Sa femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu'est-ce qu'il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils sa mère fait du tricot son père fait des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires et les affaires
La vie avec le cimetière.
Jacques Prévert, 1944

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